Fable

Marchands de paroles


Le onze Sang et Or aligné contre le Club Sportif Sfaxien le 30 janvier 2010 à Radès. (Photo CHALA)
Le onze Sang et Or aligné contre le Club Sportif Sfaxien le 30 janvier 2010 à Radès. (Photo CHALA)

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Il était une fois un bonhomme qui travaillait dans un souk en tant que commissionnaire au profit de certains fortunés. Son job était, on ne peut plus, pourri. Il devait assurer que les quelques riches du village, qui l'employaient, échappent aux sanctions de toutes de leurs fraudes et manipulations. Il était désigné à la tête d'une petite structure composée de guetteurs qu'on nommait ligue.

Chaque matin, en allant travailler, il regardait d'un œil envieux le premier chef du souk entouré de ses apprentis. Il fut impressionné par son fauteuil. Un canapé en velours avec des accoudoirs en or massif décorés de dentelle brodée en soie. Mais il regardait encore plus le coffre qui était juste derrière le fauteuil. Une masse monstrueuse d'acier qui se remplissait chaque jour par la grâce du ciel. Une vie de luxe quoi. Le chef du souk n'avait, en effet, rien à cirer de toute sa journée. Il laissait les affaires marcher à leur guise. Ainsi, les riches s'enrichissent encore et les pauvres crèvent de faim un peu plus. Mais lui, tout ce à quoi il pensait c'était de participer aux fêtes qui réunissaient les chefs de souks du monde entier. Il y avait des boissons, de la bouffe et des femmes aux noces légères. Notre chef de souk et ses apprentis étaient régalés. Que du bonheur.

Un de ces jours, le commissionnaire, qui s'appelait "Sam Sar", entendit des bruits qui viennent de partout. Les soukistes, dépités des abus du chef et de ses apprentis, ont décidé de le changer. Il y aurait des élections. Alors, Sam Sar s'est dit, pourquoi pas? Du fric, des femmes et du prestige, ça vaut le détour. Le seul hic! le candidat aux élections doit être un marchand. Or, lui le petit commissionnaire, n'avait rien à vendre. Absolument rien. Il passa des nuits blanches à essayer de trouver une solution à cette impasse jusqu'à ce que son cerveau illumina sa lanterne d'une solution atypique. Les gens du souk sont aussi naïfs que passifs, Sam Sar décida de vendre des paroles. Quoi de plus facile que de faire des promesses. Avec l'argent du coffre tout devient possible.

Sam Sar, avec ses guetteurs se mirent, alors, à tester l'opinion des grands patrons du souk. Une fois leur aval reçu, il se mit à organiser des rencontres avec les pauvres. Il leur fit toutes les promesses du monde. Il promit propreté, équité, transparence, progrès et prospérité. Et comme appuyé par la mafia du souk, il fut candidat, presque, unique. Il n'avait en face que le clown du village.

Un soir de printemps, Sam Sar fut élu chef du souk. Sa première mission était de choisir un sélectionneur de produits. Celui qui devait assurer que la meilleure marchandise du souk soit bien présentée lors des fêtes inter souks. Et lui qui avait promis, dans son discours d'élection, de ne pas choisir par soi même mais collégialement, avait réuni ses guetteurs à minuit loin des regards indiscrets pour annoncer sa découverte du siècle. Il avait choisi un sélectionneur étranger. Un autre marchand de paroles qui fut viré du souk il y a quelques années pour sa médiocrité et son hypocrisie.

Mais, que peut donner la réunion de deux marchands de paroles? Seul Dieu le sait.

A suivre,