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#1 30-06-2014 17:54
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Re : Afrique : Football, colonisation et mondialisation
Afrique : Football, colonisation et mondialisation
Dans une lecture du football africain posant la question : "le statut sociopolitique et économique du football africain peut-il servir le patriotisme ?" Thierry Amougou auteur de l'oeuvre Le Biyaïsme. Le Cameroun au piège de la médiocrité politique, de la libido accumulative et de la (dé)civilisation des moeurs, offre un "rappel historique du statut sociopolitique et économique du football africain" dans lequel il revient sur le rôle de l'Espérance Sportive de Tunis dans la lutte pour la libération contre le colon français.
Extraits de l'article publié par Camer.be :
Le fondement colonial du football africain
Né en Chine et développé institutionnellement en Angleterre, le football, à l'instar d'autres sports est intimement lié à la politique du corps étant donné qu'il met en interactions le corps, l'esprit, le travail, le salaire et les classes sociales. Il est aussi intimement lié à la mondialisation économique dont une des dimensions historiques est le colonialisme au centre duquel se trouvent les corps des indigènes comme instances de matérialisation d'un pouvoir prédateur. Même si le football est un sport importé dans presque tous les pays en dehors de la Chine, son fondement colonial est la caractéristique initiale de son développement en Afrique.
En effet, l'administration coloniale, dans son besoin de contrôle des esprits et de domestication des corps, a ouvert la pratique du football aux indigènes alors que c'était un sport au départ réservé à l'élite coloniale en présence en Afrique. Dans cette première phase, le football resta ségrégationniste car les équipes indigènes ne jouaient jamais contre les équipes de colons mais entre elles uniquement question de marquer la séparation entre les races et ce que cela impliquait au quotidien dans les colonies. La fonction du football a été hautement politique, économique et culturelle dans l'Empire colonial. Sur le plan politique, le football a servi à rendre dociles la masse laborieuse indigène via un jeu qui devint tant un défouloir de ses frustrations quotidiennes qu'un « opium collectif » contribuant dans une certaine proportion à faire oublier sa condition de subalterne et de dominée à l'indigène. Sur le plan culturel, les missionnaires ont fait équipe avec les politiques et ont promu le football pour détourer les Africains des pratiques culturelles dites « non civilisées ». Sur le plan économique, la pratique du football comme outil de maintien des travailleurs indigènes en bonne santé physique a été l'objectif productiviste central d'une mise en valeur d'un domaine colonial où les corps devaient être robustes et en santé.
© est.org.tn
Après cette phase où le football a permis l'inscription de l'ordre colonial sur le corps et l'esprit des indigènes via le jeu, une deuxième phase a été celle des rencontres entre équipes indigènes comme moments de loisir de l'administration coloniale avant que des oppositions entre les équipes de colons et celles d'indigènes commencent à naître ici et là en Afrique coloniale britannique et plus tard française. Avec la naissance des luttes de libération et le développement de l'esprit nationaliste, les premiers clubs africains comme l'Espérance Sportive de Tunis ont été des clubs de football avec un objectif clair de combat politique pour l'indépendance. Cela a été le cas aussi en Egypte et surtout en Algérie où les clubs de football ont été des branches du combat national de libération nationale du joug colonial français par promotion de l'esprit révolutionnaire via le football. Le caractère explosif des rencontres entre anciennes puissances coloniales et anciennes colonies ou encore la contestation en 2014 de la double nationalité aux Français d'origine algérienne suite aux quasi émeutes entraînées par la qualification de l'Algérie en huitième de finale du Mondial brésilien, sont des preuves que l'ordre du maître et de l'esclave du moment colonial structure encore largement l'imaginaire du football africain.
Rédaction d'E-S-Tunis.com