Profitant d'un passage au Parc B, nous avons interpellé l'entraîneur portugais de l'équipe fanion de l'Espérance afin de faire le point sur une situation qui ne cesse de prendre des dimensions extravagantes. Nous avons trouvé un Jose sûr de lui-même et rassurant, mais en même temps assez déçu par la tournure des évènements, pendant que son équipe possède trois points d'avance au classement à la veille du dernier sprint final. Il n'a pas mâché ses mots et vous ne risquez pas d'être déçus. Bonne lecture.
M. De Moraïs, après trois mois à la tête de l'Espérance, quelle est votre évaluation du travail accompli jusqu'ici ?
Le travail accompli est un travail très positif. La réponse des joueurs a aussi été très positive. C'est un groupe de caractère, homogène et ambitieux et la réussite est là. Jusqu'à la fin du championnat, il faut continuer à travailler dans la même direction et la réussite sera au rendez vous, j'en suis sûr.
La plupart des observateurs affirment que l'Espérance dispose du meilleur effectif du championnat. Êtes-vous de cet avis ?
J'ai toujours pensé que l'effectif qui est à ma disposition est le meilleur. Je dis cela sans regarder l'effectif de mes adversaires. Je suis quelqu'un de positif et je pense que j'ai des joueurs de qualité sur lesquels je compte pour remporter le championnat.
Qu'en est-il de leurs prédispositions mentales ?
Je ne peux pas comparer mes joueurs avec les joueurs des autres clubs que je ne connais pas. Pour moi mes joueurs sont également les meilleurs sur ce point.
Affirmez-vous donc qu'ils sont mentalement prêts pour la suite du parcours ?
On n'est jamais prêts, on doit à chaque fois nous préparer pour la suite du championnat. À chaque match nous devons être meilleurs que notre adversaire du jour. C'est notre mentalité de travail.
Pensez-vous que Zied Derbali est en train de bien faire son travail sur le côté droit de la défense ?
Oui Zied fait du très bon travail sur son couloir. Janvier Besala réalise aussi un bon travail depuis son retour de blessure, c'est un joueur de grande qualité. Ce sont là les solutions que j'ai en ce qui concerne ce poste.
Qu'en est-il de l'évolution de Mzali à ce poste ?
Pour le moment, les dispositions que présente Mzali ne lui permettent pas d'avoir une place parmi les 18 joueurs inscrits sur la feuille du match. Il doit continuer à travailler et il est là pour ce faire.
Est-on toujours à la recherche de la paire idéale pour l'axe de la défense parmi Abdi, Jabeur et Chammari ?
Abdi est un joueur très expérimenté et sa qualité a apporté l'expérience que nous recherchions pour notre défense. Badra est aussi un joueur expérimenté avec d'autres qualités, qui a été utilisé aux moments appropriés. L'utilisation de la paire Abdi- Jabeur ou Abdi-Chammari dépend des qualités de l'adversaire. Jabeur est un joueur de marquage plus qu'un joueur de relance. Chammari est un joueur jeune, agressif et qui est doté aussi de très grandes qualités techniques. En ce qui concerne le compartiment axial de la défense, je dispose donc de solutions qui me permettent d'adapter mes choix à chaque adversaire.
Pensez-vous que la présence de Hammi aurait été utile pour la suite du championnat ?
Je ne parle pas des joueurs qui ne font pas partie de l'effectif.
À part Eneramo et Bienvenu, le compartiment de l'attaque manque de solutions capables de soutenir ce duo ou de les remplacer en cas d'absence. Seriez-vous d'accord avec cette affirmation ?
Je ne vois pas les choses de la sorte. D'ailleurs, Mickael et Henri représentent déjà une excellente solution. Sinon au niveau offensif, nous n'avons jamais pu travailler dans la continuité. Par moments, Mickael s'est absenté, dans d'autres Henri s'est blessé. Wajdi Bouazzi a été dans un bon moment et il a aidé avec sa qualité. Maintenant, il y a Ayari qui arrive, alors que Youssefi, qui était aussi absent pendant quelque temps, est en train de reprendre sa forme, sans oublier Ltifi, qui était malheureusement blessé, mais c'est un joueur qui a bien travaillé.
Notre tâche consiste à utiliser la meilleure possible pour chaque match, en sachant que Mickael est un joueur très fort et qui peut faire la différence à tout moment. Notre jeu collectif au niveau offensif est en train d'être également amélioré et avec les efforts et la concentration des joueurs, cela va donner les résultats escomptés.
Après le match contre l'Olympique de Béja (OB), peut-on parler de limites détectées au niveau de la force de caractère ou de l'esprit compétitif du groupe ?
Non je ne le pense pas! L'équipe a fait un très bon match contre un adversaire hyper motivé (NDLR : on aura appris qu'une double prime a été promise aux joueurs en cas de réaultat positif contre l'Espérance). Je pense que l'équipe espérantiste est forte avec un groupe de joueurs doté d'une très grande force de caractère. Et je parle là de tout le groupe sans exception. C'est bien pour cela que nous sommes leader du championnat.
Sur un autre plan, je pense aussi qu'«on» est en train de tout faire pour nous arrêter à cause justement de la force de l'Espérance. Par exemple, Mickael est en train de subir à chaque match un harcèlement systématique de la part des adversaires, on commet sur lui des fautes violentes sinon sauvages à l'occasion et la meilleure, c'est que c'est toujours le Nigérian qui est sanctionné, n'est-ce pas le monde à l'envers? Et malgré cela, mes joueurs font contre mauvaise fortune bon coeur pour venir à bout ... de tous les adversaires.
Contre l'OB justement, nous avons vu une Espérance à deux visages, l'une se contentant de jouer du tac au tac avec des locaux concernés par la relégation et l'autre, celle du dernier quart d'heure, qui a certes montré plus de volonté, mais continuant à manquer d'arguments. Comment expliquez-vous cet état de fait ?
En football, il y a toujours un adversaire qui s'organise d'une certaine façon et qui a pour seul objectif de faire match nul. À partir de là, sa mission devient plus facile, car un match nul est acquis dès le départ et l'adversaire n'a pas besoin de marquer de but ou encore moins de créer des occasions pour arriver à ses fins. Et quand on sait qu'il est plus facile pour une équipe de défendre plutôt que de faire le jeu, cela donne une petite idée sur les difficultés que nous devons surmonter à chaque fois.
Pour revenir à la question, il me semble que nous avons joué avec un très grand caractère et nous avons fait un excellent match défensivement, puisque Kasraoui n'a pas été inquiété outre mesure tout au long de la rencontre. Malheureusement, une situation due au hasard a donné à l'adversaire l'opportunité de marquer un but.
Offensivement, nous avons tout essayé, mais il fallait compter également sur le jeu dur pratiqué par nos adversaires. Nous avons été handicapés par la sortie de Darragi, dû justement à une agression adverse, qui a continué à avoir lieu tout le long du match, le tout favorisé par la passivité arbitrale. Mickael à son tour en a vu de toutes les couleurs d'ailleurs, Wajdi aussi. Nous aurions pu par ailleurs débloquer la situation en fin de match, mais la chance ne nous a pas souri.
La blessure de Darragi a-t-elle tant pesé sur la prestation de l'équipe face aux «cigognes» ?
À mon avis, la blessure dOussama a été l'événement clé du match contre l'OB et sa sortie a bouleversé tout le groupe et le schéma tactique préparé. Darragi était bien préparé toute la semaine pour ce match, ainsi que pour la suite du championnat. Oussema est la clé de tout le travail de l'équipe et il a dernièrement commencé à bien assimiler ce qu'on demandait de lui.
D'aucuns pensent que l'Espérance n'exploite pas assez les nombreux coups de pied arrêtés qu'elle se procure dans la zone dite «décisive» - les 30 derniers mètres adverses -. Est-ce un problème d'assimilation des joueurs, un problème d'application ou plutôt un manque de travail spécifique à ce niveau à l'entraînement ?
Je pense que c'est un domaine où les joueurs doivent faire montre de plus de concentration et c'est toujours possible d'en améliorer certains aspects. Mais ce n'est pas un problème de réussite pour autant, car le but marqué contre l'OB l'a été suite à un coup de pied arrêté. À Gafsa aussi, il en a été de même. Nous avons ouvert le score face au Stade Tunisien (ST) suite à une balle arrêtée.
L'Espérance est connue depuis longtemps pour sa réussite dans l'exercice des balles arrêtées et malgré les exemples que vous venez de donner à juste titre, il n'en demeure pas moins que la plupart demeurent mal exploités. Il nous est même arrivé de voir certains joueurs se disputer l'exécution d'un coup franc par exemple, comme lors du dernier match entre Abdi et Loué. Qu'en est-il au juste ?
Sur cette action là, Abdi a senti qu'il pouvait marquer sur ce coup et il s'est donc proposé pour tirer. Dans certains moments, ce genre de pressentiment peut faire la différence en football. Ce n'est donc pas une question de dispute, mais plutôt le flair de pouvoir réussir un bon coup.
Après avoir marqué le premier but contre l'OB, l'équipe a reculé et ce n'est pas la première fois que ça arrive. Nous avons d'ailleurs remarqué la même chose se produire à Gafsa. Avez-vous des explications à ce sujet ?
C'est une impression que les gens ont à mon avis. Dans les deux exemples, nous jouions chez l'adversaire et pour ne pas revenir sur le contexte hostile qui vient avec, l'adversaire, qui n'a rien à perdre, commence du coup à balancer des balles derrière la défense, obligeants mes joueurs, qui tiennent à gagner, à réaliser un travail défensif nécessaire.
Sinon, le match de Béja est une rencontre comme une autre en championnat, qu'on devait certes gagner, mais où on a malheureusement raté des occasions. Ceci ne nous a pas empêchés d'être, au risque de l'oublier, en première place et avec une avance, qui s'est certes amincie, mais qui ne nous a pas déviés de notre objectif, celui de remporter le championnat, malgré tout ce que l'«on» fait pour nous en écarter.
Hormis le match contre le Club Sportif de Hammam-Lif (CSHL) qui est loin d'être une formalité, il y a un derby qui se profile à l'horizon et qu'il n'est point possible de rater, surtout qu'il va s'avérer déterminant pour le reste du parcours. Comment comptez-vous vous y prendre pour préparer les joueurs à être de vaillants compétiteurs ce jour-là dans le but de faire un grand pas vers la consécration finale ?
Tout le monde veut gagner, je le sais. Mais je sens que beaucoup de personnes ont plutôt peur de perdre et avoir peur, c'est un caractère de perdant. Moi je ne regarde pas le CA, c'est un obstacle qui vient après le CSHL. Ce n'est pas le match contre le CA qui va uniquement déterminer le sort du championnat. On va gagner le championnat en battant tous les adversaires que nous allons rencontrer et le CA en fait partie. Je ne regarde pas derrière et aux dernières nouvelles, nous sommes premiers, c'est-à-dire les meilleurs jusqu'ici et nous allons tout faire pour que ça dure. Le CA ne m'inquiète pas outre mesure, par contre si cette position dérange certains, qu'on se le dise !
À vrai dire vous nous rassurez quant à votre esprit de gagneur, mais il faut que cela se traduise sur le terrain à travers les joueurs, pour lesquels il va falloir mettre les bouchées doubles pour faire passer votre message et les préparer à gagner...
Préparer les joueurs à gagner est une tâche qu'on est en train d'accomplir et ce n'est pas un travail qui se fait seulement à l'intérieur du groupe. Les supporters aussi ont leur rôle à jouer et ne doivent pas douter de la qualité de leur groupe et de leur organisation. Ils doivent les soutenir en leur faisant passer le message qu'ils sont capables de se surpasser, sans penser au CA. Nous sommes les maîtres de notre destin.
On fait un match nul et les gens commencent à douter de la «grinta» des joueurs ; ce n'est tout simplement pas vrai! Les joueurs ont tout fait pour glaner les trois points de la victoire, mais en football cela n'est pas tout le temps suffisant. Souvent, il y a des matchs comme ça. Et c'est dans ces moments là qu'un groupe, qui a l'esprit vainqueur, doit se remettre en question et se concentrer encore plus.
Une pensée pour le public espérantiste ?
Le public ne doit pas passer sa peur aux joueurs. Les espérantistes doivent être derrière leur équipe et la pousser vers la consécration et non pas contribuer à faire installer le doute après ce match nul. Nous avons besoin de notre public. Il doit venir en masse pour nous soutenir et nous pousser à nous surpasser pour surmonter tous les écueils qu'on nous impose. Le public doit faire passer aux joueurs cette rage de vaincre, cette confiance en soi, cette détermination dont nous avons besoin pour remporter ce sacre. D'ailleurs ce public ne doit pas se fier à ce que racontent certains dans les médias. À nous alors d'être solidaires afin de contrecarrer cette propagande dirigée contre nous !
Le mot de la fin ?
Le match nul a été concédé face à un bon adversaire et il ne faut pas en faire un drame. Dernièrement le F.C. Barcelone a concédé un match nul à l'extérieur et il n'y a pas eu tout ce tapage autour de sa prestation. Il ne faut pas non plus faire porter le chapeau du faux-pas à un seul joueur (NDLR : Kasraoui).
Interview
De Moraïs : « Nous ne doutons point du sacre, à moins que... »
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