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M. Le Président,
Il fut un temps où le seul fait d'évoquer le mot «Espérance de Tunis» faisait retourner tous les regards, trembler tous les genoux, vibrer des coeurs, entrer en transe des foules. Aujourd'hui, l'Espérance le fait encore, mais plus par ses performances sur le rectangle vert, plus par les titres - notamment continentaux qui faisaient d'elle le premier club africain à gagner le «Grand Chelem», avec une Coupe des Champions sans aucune défaite - plus par ses valeurs d'excellence, de professionnalisme et de civisme, mais plutôt par une politique qui, dans ses meilleurs jours, ressemble désormais à ce qui se passait chez nos frères-ennemis du Club Africain (CA) il n'y a pas si longtemps, pour sombrer depuis quelques jours à celle du Stade Tunisien (ST), ce club monument, qui a perdu de sa superbe depuis voilà plus que 40 ans.
Ce serait certes exagéré, diriez-vous, mais quand on sait que M. Mghirbi, figure emblématique stadiste avec tout le respect qu'on lui doit, devient votre conseiller privilégié, alors que l'Espérance a enfanté des générations de connaisseurs en matière de football, qui, d'entraîneurs à analystes sportifs, font la pluie et le beau temps par ailleurs, dont M. Tarak Dhiab, le démissionné dans des circonstances on ne peut plus obscurantistes, il y a bien là matière à se poser des questions sur la pertinence d'un tel choix.
Mais qu'à cela ne tienne, les supporters ne vous auraient pas tenu rigueur pour une ... déviation et ne se seraient sûrement pas sentis aussi petits dans leurs souliers, si les derniers évènements vous avaient donné raison. Après tout, le résultat justifie les moyens, nous rappelle-t-on. Or, justement, quand l'Espérance caracole en tête du classement de Ligue 1, avec une prestation il y a deux semaines contre le Club Sportif de Hammam-Lif (CSHL) qui frisait la perfection, n'eut été le fléchissement mental en fin de match, il n'y a point lieu de penser à virer M. Cabral - et de quelle manière, totalement indigne du club pour venir nous parler de pression! -. Il faut rappeler que le technicien brésilien avait accepté de partir une première fois, sans le moindre bruit, pour revenir illico presto suite à votre rappel, d'autant plus que vous n'aviez tout simplement pas prévu un remplaçant digne de confiance, et ce, sans rien enlever à M. Kanzari, tout de même néophyte en la matière.
Le nul au derby? Oui, il était au goût d'une défaite, tellement notre Espérance était méconnaissable, et alors? Ça arrive et nous avons vécu pis, avec un autre Brésilien, j'ai nommé M. Amarildo, lorsque l'Espérance s'est pris la pire correction de son histoire au derby! Une semaine plus tard, nous étions 40 mille Sang et Or dans les gradins à scander le nom des joueurs, qui étaient, et je vous l'accorde, d'une autre dimension, pour remporter le championnat. Le même Amarildo a été reconduit dans ses fonctions, pour vous dire. C'est cette Espérance dont nous rêvons tous, conquérante à souhait, tout comme vous d'ailleurs, on n'en doute point, mais ce ne sont pas vos décisions qui le prouvent.
Vous avez succédé à M. Zouhir, non pas que ce dernier n'a pas gagné des titres nationaux, il a même réussi à glaner le doublé. Mais si votre prédécesseur a dû abandonner son poste, c'est justement à cause de décisions que vous avez passé votre temps à essayer de corriger. Mais voyez-vous, vous être en train de lui emprunter le même chemin, à savoir, la «clubisation», bien qu'au rythme des mauvaises décisions, nous ne soyons pas loin de la «stadisation». Et il n'en est pas question de vous laisser continuer dans le projet de «destruction massive» de l'Espérance, qui dure depuis six ou sept ans, car M. Chiboub, n'y est point étranger non plus.
Mais remuer le passé ne nous sert à rien, quand bien même ce passé est le meilleur présage du futur, qui a dit que l'Histoire n'est qu'un éternel recommencement? Le Stade Tunisien n'était-il pas en 1966 le meilleur club du pays? Le Club Africain n'était-il pas le club phare par après jusqu'en 1980? Ce n'est donc pas par manque de respect que je fais référence à ces deux institutions, mais pour vous rappeler que la vie est faite de hauts comme de bas et qu'aucun club, aucune nation et aucun peuple n'en est immunisé. Et si le ST ne s'est pas encore remis de sa léthargie, le CA a du mal encore à retrouver son lustre d'antan. Que de leçons à retenir, M. Meddeb, de l'histoire, de notre histoire aussi!
Vous avez donc l'honneur et le privilège de présider le plus grand club du pays et vous n'avez pas le droit, aussi légitimé soit-il, de faire de l'Espérance un nouveau CA, voire même, à ce rythme, un nouveau ST. Vous devez donc honorer vos engagements, bien qu'absents, faut-il le dire, lors de la dernière Assemblée Générale (AG) élective, du moment que vous étiez tout simplement parachuté ... unanimement, dois-je rajouter.
Et en parlant d'AG, je dois rappeler que nous serions l'un des rares clubs à ne pas en avoir tenu une cette année, ce qui est tout simplement inacceptable, lorsque par ailleurs, on fait le choix de faire la passe sur la Coupe de la Confédération, qui, elle, devait nous conduire jusqu'à décembre, le cas échéant. Un club qui se veut à l'avant-garde doit au moins respecter ses engagements vis-à-vis de lui-même, n'est-ce pas? Et quand on connaît tout le flou dans lequel sombre actuellement l'Espérance, par votre propre et unique responsabilité, l'absence de tenue de l'AG prend encore plus son sens, question de permettre aux supporters de prendre le pouls de la situation. Alors, M. Meddeb, qu'attendiez-vous pour l'organiser? Nous plonger dans une crise dont le club pouvait bien se passer? Mettre à genoux le club à l'aube de ses 90 ans? Non merci!
Et puisque j'ose espérer ne pas devoir vous adresser d'autres lettres ouvertes, sauf peut-être pour vous féliciter, je souhaite par la même occasion que vous preniez acte une fois pour toute de ce que vous êtres en train de faire subir à l'institution qu'est l'Espérance et à ses fervents supporters de tous bords, sûrement pour les remercier pour l'engouement et le soutien inconditionnel qu'aucun autre Président avant vous n'a connus, même au sommet de la gloire à l'instar du temps de M. Chiboub, je tiens à vous rappeler que :
1- L'Espérance a pour adversaires, outre le CA, l'Étoile du Sahel (ESS) et le Club Sfaxien (CSS), pour ne parler que des meilleurs clubs sur la scène nationale, les Ahly et Zamalek d'Égypte, l'Enyimba du Nigéria, le Coton Sport du Cameroun, l'ASEC Mimosas de la Côte D'Ivoire, l'Ashante Kotoko du Ghana, le Raja du Maroc, le Hilal du Soudan, etc., et pas les «Al Stambeli» du «Arabistan». D'ailleurs la FIFA et la CAF n'en ont que cure!
2- Il est bien temps de mettre en place une structure plus solide, de vous entourer d'une équipe administrative plus professionnelle et de mettre en place une «feuille de route» (le mot est emprunté d'une situation bien connue, pour vous dire l'ampleur de la crise dans laquelle vous nous avez mis) qui nous permettra de passer à un autre pallier :
a. sur le plan financier : question d'assurer une meilleure stabilité des revenus pour le club, tout en contrôlant les dépenses superflues ;
b. sur le plan du marketing : pour donner plus d'aura à un nom qui commence à être traîné dans la boue, en dotant le club d'un site Internet d'une bien meilleure qualité, en exploitant l'activité de merchandising, absente aujourd'hui, et en organisant une stratégie de communication vitale pour tout club qui se respecte de nos jours, pendant qu'on a l'impression que ce sont surtout les rumeurs qui dictent le quotidien du club ;
c. sur le plan administratif : pour mieux maîtriser les aléas contractuels, améliorer la gestion des partenariats, optimiser la gestion des infrastructures et des équipements ainsi que la logistique et les achats, etc., et ce, en mettant en place un tableau de bord, un système informatisé et une gestion moderne des activités du club ;
d. sur le plan sportif : afin de redorer le blason du club sur le plan continental - on nous a promis la Ligue des Champions africaine 2009 ... à ma connaissance - en mettant en place outre une commission technique qui puisse et proposer un projet ambitieux et les moyens d'y arriver, à travers la définition des besoins en profils à combler, soit via le recrutement, soit via la formation, et en dotant l'équipe fanion d'un entraîneur chef dont l'arrivée doit être votre première priorité, si elle ne l'a pas été encore déjà, quand vous pensiez que les jours de M. Cabral étaient comptés. En effet, la prochaine nomination doit se faire dans les règles de l'art, avec des attentes claires, un projet clair, des résultats par étapes clairs et une durée claire, tout en lui offrant les conditions nécessaires pour la réussite! Aucune erreur ne sera tolérée autrement en ce sens et basta le «ra3wanisme». Il y a certes d'autres éléments à considérer, tels les renouvellements de contrat, le dégraissage de l'effectif et par suite de la masse salariale, des recrutements ciblés - j'insiste pour vous dire que nous n'avons pas besoin de nouveaux attaquants, au cas où cela vous aurait échappé - etc., mais je m'abstiens à l'essentiel pour vous éviter des longueurs.
Et pour finir sur une note positive, car il en faut bien une, ce n'est pas qu'on ne vous aime pas, vous aussi vous aimez l'Espérance, ce n'est pas qu'on n'a pas confiance en votre bonne volonté, je puis vous rassurer quant aux motivations de cette démarche, alors si vous n'avez pas aimé cette lettre, ce dont nous nous douterions fort bien, c'est que quelque part, on aura sûrement partagé votre tort, celui de faire complètement le contraire de ce que vous prétendiez vouloir faire! Ai-je dit que l'heure est grave?
À bon entendeur, salut !