Nous vous proposons un article intéressant de notre Dr Rammah paru ce matin dans le quotidien «Le Temps» à la suite des menaces visant la mère de notre vaillant milieu de terrain, Majdi Traoui. Bonne lecture :
Sur le papier et juridiquement parlant, notre sport roi est entré de plain-pied voilà bientôt plus d'une décennie dans l'ère du professionnalisme. Mais sur le plan comportement, gestion, finances, relations, nous sommes malheureusement encore à des années lumière de ce que préconise exactement le professionnalisme et de la façon dont il est appliqué ailleurs sous d'autres cieux pourtant pas très éloignés de nos contrées.
Aurions-nous quelque part brûlé les étapes en nous embarquant dans une affaire que ni nos mentalités, ni nos moyens financiers, ni la logistique dont nous disposions ne nous autorisaient à nous y aventurer ? Car et quoi qu'on dise, certains esprits obtus accusent un retard monstre par rapport à l'évolution fulgurante engendrée par le libre échange des joueurs, le transfert des uns et des autres d'une écurie à une autre selon les lois immuables de l'offre et de la demande.
Ce qui s'est passé lors de la première finale de la coupe de Tunisie post révolution entre l'Espérance et l'Etoile est grandement édifiant à ce propos. L'affaire débuta très tôt déjà et dès l'apparition de la bande à Darragi sur la pelouse pour la traditionnelle séance d'échauffement. Quelques énergumènes pas très nombreux prirent à parti d'emblée le pauvre Mejdi Traoui (ex-étoilé) avec une avalanche interminable de propos orduriers et dignes des bas fonds des zones les plus endurcies visant nommément le joueur, sa mère, ses sœurs, toute sa famille. Décontenancé, le joueur accusa le coup soutenu par son préparateur Khalil Jbebli et ses coéquipiers. Le manège ne s'arrêta pas de sitôt et continua de plus belle durant les 94' du match. Les choses ne s'arrêtèrent malheureusement pas là, après le sacre mérité de l'Espérance, certains s'en prirent à la mère de Traoui la menaçant ouvertement de représailles au téléphone allant jusqu'à lui promettre d'incendier sous peu son domicile.
Nous avons pris attache avec des sportifs «véritables» pour recueillir leur avis sur pareils scabreux comportements :
Mejdi Traoui : « Une poignée d'individus que je connais »
Une précision si vous permettez, le traitement spécial qui m'a été administré depuis l'entame de l'échauffement était orchestré par quelques énergumènes que je connais parfaitement et qui ne font nullement honneur à la glorieuse famille étoilée. Mes relations ont toujours été exemplaires et amicales empreintes de respect avec le large public étoilé. Il va sans dire que je traduirai en justice ces fauteurs en eau trouble. Pareil pour ceux qui ont osé s'attaquer à ma mère et à ma famille avec des menaces aussi basses que viles. Je précise cependant qu'après mon expérience à l'étranger, je suis revenu directement à l'Etoile pour renouer l'aventure avec mon club d'origine. Mais les responsables à l'époque ont accueilli fraichement mon retour pour des raisons propres à eux et que le tout Sousse connaît. Ils ont préféré m'éconduire et s'attacher les services de certains qui ne m'arrivent pas à la cheville avec des ponts en or. Ce sont leurs affaires et je n'ai ni à m'y immiscer ni encore moins à critiquer leurs choix. Mais libre à moi cependant d'opter pour le club qui a su m'ouvrir largement les bras et reconnaître mon mérite et mes capacités. Le président « sang et or » Hamdi Meddeb a été un véritable père pour moi et a placé de suite toute sa confiance en mon humble personne. Oui, je suis fier maintenant de lui offrir ce premier doublé avec la promesse de ma part d'œuvrer inlassablement pour lui procurer à lui en personne et la prestigieuse famille espérantiste d'autres satisfactions.
Riadh Bennour : « La loi est souveraine »
Nous sommes dans un pays de droit avec des institutions bien en place pour veiller au bien être de tous les concitoyens. Mejdi Traoui n'a commis aucun tort que je sache ! Il a défendu crânement et avec honneur le prestigieux maillot qu'il porte et le glorieux bastion de football auquel il appartient désormais. Faudrait-il le blâmer pour un comportement aussi noble et digne ? Mais je me contenterai tout simplement de dire que la Tunisie est en mesure d'assurer la protection à tous ses enfants. Que ses services d'ordre sont omniprésents, hautement compétents et en mesure de veiller scrupuleusement à l'application de la loi sur toutes les contrées du pays.
Mongi Bhar : « Impensable ! »
C'est quoi ces comportements indignes ? Quand finirait-on par comprendre que nous sommes devenus des clubs professionnels et partant, tout un chacun en fin de contrat est libre d'opter pour les couleurs aux offres les plus juteuses. Finie l'ère où les joueurs jouaient bénévolement par amour pour maillot. Ce chauvinisme et cet obscurantisme ne sont plus dignes de notre Tunisie nouvelle. Cette mentalité est à bannir à jamais de certains esprits obtus et ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez. Alors demain, si Maher Haddad que j'ai cédé au CSS jouait contre moi, mes inconditionnels iraient incendier son domicile et menacer sa famille à Hammam-Lif ? Non, je suis choqué par ce qu'a enduré la mère de Mejdi Traoui mais je suis sûr que les responsables étoilés connus par leur sagesse finiront rapidement par circonscrire ce malheureux et non moins regrettable incident.
Mahmoud Ouertani : « Lamentable »
C'est vraiment lamentable et je condamne fermement pareils débordements. Mais personne ne maitrise plus la situation et de ce fait chacun de se permettre de tenter de nuire à autrui. Je manque de mots pour exprimer ma réprobation à l'endroit de cet acte odieux, menacer une paisible mère et la priver de la joie de voir son fils très correct du reste remporter pour la première fois de sa carrière le seul trophée qui manque encore à son riche palmarès est inqualifiable et indigne. C'est la loi de la gabegie qui règne et vivement le moment où tout rentrerait définitivement dans l'ordre. Il faut savoir que les joueurs n'appartiennent plus à leur club que le temps de la durée d'un contrat, et qu'au terme de ce dernier ils sont libres d'endosser la casaque de leur choix. Je suis sous le choc et je compatis avec Traoui en l'assurant de mon soutien à lui et à sa vénérable mère.
Faouzi Ktari : « Le tribut de l'impunité »
Je pense qu'il faudrait relativiser et ne point donner à cet incident plus d'importance qu'il n'en mérite. La famille étoilée est saine et ce ne sont pas ces quelques égarés qui vont réussir à en ternir l'image de marque. Je suis en contact permanent avec Moez Driss et Abdesslem Adhouma qui m'ont contacté après la demi-finale en m'exprimant leurs vifs regrets pour ce qui s'est passé à l'olympique de Sousse. Mais le pays vit une conjoncture particulière et tout est permis dans l'esprit de certains pensant à tort du reste de bénéficier de la loi de l'impunité. Mais la loi est là pour protéger tout le monde et châtier sévèrement les contrevenants. Traoui n'a pas à s'en faire outre mesure du moment que nous ne vivons pas dans la jungle Dieu merci !
Taoufik Zaaboub : « Loi de la jungle, désormais »
Je ne comprends plus rien vraiment et pareils comportements n'engagent que leurs rares commanditaires car l'Etoile ne peut en aucun cas cautionner des dérapages aussi avilissants. L'Etoile a toujours été une école de civisme et a toujours entretenu des relations exemplaires et amicales avec tous ses pairs et ce n'est pas la perte d'un titre voire plus qui va tout remettre en question. Mais que voulez-vous, c'est pratiquement à l'image de ce que traverse le pays depuis le 14 janvier. Aucune sécurité et même chez vous, vous risquez d'être attaqué par des inconnus devant votre femme et vos enfants. Dans tous les domaines et pas seulement dans le sport nous accusons un laisser aller terrible.
Mais les choses finiront par s'arranger très rapidement pour le bien de notre peuple et pour la totale réussite de notre révolution. Mejdi Traoui est le fils de Sousse où il y jouit de l'estime et du respect de tout le monde pour sa correction et son humilité.
Fateh Alouini : « Je suis dégoûté du football »
Vraiment, chaque jour qui passe me fait de plus en plus regretter amèrement le fait de m'être embarqué dans cette galère de football. Je suis dégoûté de ce monde pourri et j'ai hâte de m'en éloigner définitivement et d'en finir.
Pour préserver sa dignité, on doit vivre à mille lieues de ce monde malsain où les magouilles, les coups bas, les combines règnent en maitres absolus. Aucune protection, aucune limite, aucune ligne rouge respectées. Avant le 14 janvier, on vivait çà tout de même mais avec une certaine discrétion et forme.
Maintenant tout se fait et se trame au grand jour au vu et au su de tout le monde avec une complicité et un mutisme suspects des instances. Traoui, un garçon attachant et très sérieux n'a pas à endurer pareils dépassements très regrettables que je condamne fermement du reste.
Enquête
La mère de Traoui menacée : Où va le football ?
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