Le rideau est bel et bien tombé sur ce fameux «mercato» estival. Celui Sang et Or a été somme toute assez mouvementé, curieusement à ses débuts et vers la fin. Quels sont les mouvements enregistrés et les enseignements à en tirer? C'est ce qui vous est proposé dans ce qui suit.
Renforts oui, garanties non
Après l'accord de principe conclu pour s'acquérir les services de trois «Lionceaux» camerounais, à savoir Banana (défenseur axial), Bapidi Fils (milieu défensif) et Brice (attaquant), avant même l'ouverture du mercato et le retour de prêt de Khalifa en provenance du Club Sportif de Hammam-Lif (CSHL) au sein d'une attaque qui devait perdre les services de S. Derbali et Youssefi, prêtés respectivement à l'Olympique de Béja (OB) et au CSHL, et Ltifi, dont on ne voulait plus renouveler le contrat, avec raison du reste, un silence radio s'est rabattu sur le Parc B.
En fait, ce sont les idées pas claires concernant le diagnostic des besoins de l'équipe et des pistes poursuivies qui semblent avoir motivé ce silence. D'ailleurs, il a fallu attendre la reprise du championnat pour que les instances Sang et Or responsables des recrutements (on ne peut malheureusement pas parler de direction technique qui n'existe pas) mesurent à sa juste valeur l'ampleur du travail qui restait à faire pour renforcer une équipe dont les ambitions affichées sont on ne peut plus claires : la défense du titre de champion de Tunisie et la qualification à la phase des poules de la Champions League africaine (CLA), dans le but d'y jouer les premiers rôles et pourquoi pas la remporter la saison d'après ; tout un projet en somme !
Une course contre la montre a dû alors s'amorcer, avec l'acquisition d'un milieu défensif espoir, à savoir Boughanmi, pour combler le déficit au niveau de l'agressivité en récupération, comme si Zine Souissi présentait des garanties auparavant après sa reconversion. On passera par ailleurs sur les péripéties de la transaction qui allait capoter pour des raisons peu professionnelles.
Après, ce fut au tour du gardien Naouali d'atterrir au Parc B, pendant que Mejri, après le départ du capitaine Kasraoui, est demeuré orphelin de toute concurrence ... sérieuse. Certes, d'autres gardiens ont été pistés au préalable sans grand succès, mais l'idée de voir un jeune suppléer à un Mejri en méforme, sanctionné ou blessé, dans un poste aussi important, ne pouvait pas pourtant tenir jusqu'au bout. Heureusement que Naouali, ex international espoir et en mauvais termes avec le Stade Tunisien (ST), était devenu libre de tout engagement pour être déniché.
Ensuite est venu un défenseur axial formé en France répondant au nom de Syam Ben Youssef. Inconnu de la plupart des «footeux» tunisiens, ce garçon pourra se révéler comme une bonne alternative à une paire axiale, Z. Derbali-Abdi, qui n'arrive pas encore à confirmer son aura. Il faut dire que le départ clairvoyant sous forme de prêt de Chammari au CSHL, pour gagner plus en maturité et en temps de jeu, devait laisser de la place à une recrue dans l'axe pour combler le déficit en nombre dans ce compartiment de la défense. Et pendant que le dossier de Banana, tout comme celui de Bapidi Fils, devait connaître quelques complications, l'arrivée de Ben Youssef s'imposait, d'autant plus que Jabeur, fort de son expérience, ne donne pas pour autant entière satisfaction à son coach Benzarti, sans parler d'un Tlili encore jeune malgré ses bonnes prédispositions.
Enfin et cerise sur le gâteau, l'Espérance a enregistré aux tous derniers instants du mercato l'arrivée du Ghanéen Harrisson Afful, un arrière droit jouant également sur le côté gauche, offensif à souhait, venu combler un déficit criarde au niveau des latéraux. Car si Chammam arrive un tant soit peu à alterner le bon et le moins bon sur son côté gauche, Bokungu, après des débuts fort prometteurs pourtant, n'arrive pas à se libérer sur le côté droit. Et si on rajoute à l'équation que le duo titulaire de la saison passée n'a pas d'alternatives sérieuses sur le banc, le recrutement d'Afful ne peut que représenter une grande bouffée d'air pour Benzarti avant tout, sans parler d'un public bien impatient avec les joueurs.
Des départs à gogo
Côté départs, que ce soit sous forme de prêt ou de cession définitive, l'Espérance a fait le plein au plus grand bonheur de certains, nous pensons particulièrement au trésorier du club, mais aussi au staff technique. Ainsi, outre les prêts de S. Derbali, Youssefi et Chammari cités plus haut, il y a lieu de noter le retour de Khalifa au CSHL (avons-nous parlé d'idées pas claires ?) et le départ de l'Ivoirien Konan à l'Avenir Sportif de la Marsa aux tous derniers instants du mercato. Ben Hammouda, parti à l'Étoile Sportive de Béni Khalled (ESBK) entrainée par Ali Ben Naji, et Zrelli parti cette fois à l'Avenir Sportif Gabésien (ASG), après une expérience éclair à Jendouba, complètent le tableau des joueurs prêtés.
Côté cessions, la seule bonne opération a été le départ de Kasraoui au Racing Club de Lens (France), dans la mesure où le club avait reçu une coquette somme en contrepartie. Mieux, c'est le pire sort que l'on puisse souhaiter à un garçon qui a tant donné au club, malgré son jeune âge, en espérant qu'il réussisse dans sa nouvelle expérience et que d'autres lui emboiteront le pas. Tel est malheureusement pour l'Espérance le sort réservé à ses meilleurs éléments.
Autrement, toutes les autres cessions ont été sans aucune contrepartie financière, avec au mieux des résiliations de contrat à l'amiable, comme c'était le cas pour Mzali (arrière latéral), Chibani et Saâfi (axiaux) Mahjoubi et Loué (milieux défensifs), Htiouech (milieu offensif) et le Camerounais Brice (attaquant) qui n'a pas su convaincre le staff technique lors de son séjour prolongé au Parc B (devrions-nous insister encore ?).
La face cachée
Il y a lieu de signaler qu'il était question que certains joueurs arrivent, voire que d'autres partent, sans parler des prolongations des contrats qui sont des dossiers ayant alimenté, voire qui alimentent encore l'intérêt du large public Sang et Or, surtout pour les dossiers chauds tel que celui d'Eneramo.
Côté arrivées, il était question que l'attaquant Akrout débarque au Parc B pour combler un déficit quantitatif, encore présent, en attaque. Mais pour des raisons le moins que l'on puisse dire floues, la piste a été abandonnée au profit du concurrent direct, le Club Africain (CA). Un autre attaquant a été de nouveau approché, le Nigérian Oseni qui était tout près de rejoindre l'Espérance il y a un an déjà, avant d'aller au CSKA Moscou (Russie). Mais finalement, des contraintes au niveau de certains délais ont dû tempérer certaines ardeurs. Est-ce que ce n'est qu'une partie remise ?
Mais les joueurs approchés qui ont le plus animé les conversations Sang et Or lors de ce mercato ont été sans conteste le trio du Club Athlétique Bizertin (CAB) Ben Mostapha (gardien), Mbarki (latéral/milieu droit) et Jabbari (attaquant). Mais vu la gourmandise débordante du nouveau bureau directeur à la tête du club nordique, toute transaction réaliste est devenue du coup caduque. La bonne nouvelle, c'est que l'Espérance n'a pas cédé à ce marchandage surréaliste et c'est un bon coup à mettre au crédit de M. Meddeb et ses lieutenants.
À la fin, il était aussi question que le Camerounais Roger qui évoluait avec Al Ahly de Tripoli (Libye) et qui est devenu libre également rejoigne le groupe de Benzarti, qui le connaissait bien, suite à son expérience du côté de la sélection verte. Mais il fallait faire un choix rapide entre lui et Afful, ce qui a compliqué la finalisation de la transaction.
Côté départs, outre la retraite du monument Badra, il y a lieu de revenir sur le non renouvellement du contrat de Ltifi (recruté in extremis par le CSHL), un joueur qui vit toujours des restes d'une saison exceptionnelle qu'il a passée avec le club il y a de cela trois bonnes saisons déjà, mais surtout de Lachkham, qui n'a non seulement pas saisi la chance d'appartenir à un grand club comme l'Espérance, pis encore, qui ne semble avoir pour but que de détruire sa propre carrière là où il passe désormais. Même son expérience algérienne fut catastrophique à plus d'un titre.
Enfin, si Darragi était retenu malgré des intérêts exprimés ici et là, il était question que Jabeur parte, mais vu la situation du contingent étranger (Eneramo, Bienvenu, Afful - licences Seniors - Bokungu, Banana et Bapidi Fils - licences Espoirs -) conjugué avec le manque d'attaquants nominaux (outre Eneramo et Bienvenu, seul Ayari tient la corde, malgré la présence du jeune Ben Azzouz), compter sur Banana dans l'axe, sur la feuille du match, aurait exigé de Benzarti de se passer des services d'un attaquant, voire d'un latéral, où il n'y a presque pas de doublure valable. Echikh également devait partir sous d'autres cieux, mais vu la situation de Baghouli, le garder semble être la meilleure décision.
Synthèse
Malgré le fait que ce mercato a mis du temps pour se dessiner, on peut dire que le résultat demeure mi-figue mi-raisin dans l'ensemble. Des recrues ciblées certes et qui sont à même de renforcer le groupe au niveau du secteur défensif notamment, mais c'est loin d'apporter le «poids» voire l'expérience souhaitée (la moyenne d'âge des recrues est de 21 ans) pour affronter les objectifs poursuivis avec la sérénité requise. il n'en demeure pas moins que la meilleure opération reste le dégraissage qu'a connu le groupe, avec une politique de prêt tout aussi bien orchestrée dans l'ensemble.
À la lumière de ce mercato, voici à un ou deux éléments près l'effectif de l'Espérance :
Gardiens : Mejri - Naouali - Naouara
Défenseurs axiaux : Abdi - Banana - Ben Youssef - Derbali - Jabeur - Tlili
Arrières latéraux : Afful - Ben Mansour - Bokungu - Chammam
Milieux défensifs : Achour - Bapidi Fils - Boughanmi - Korbi - Souissi
Milieux offensifs : Msakni - Darragi - Bouazzi - Tayeb - Echikh - (Baghouli)
Attaquants : Eneramo - Bienvenu - Ayari - Ben Azzouz
Et en jetant un coup d'œil à l'effectif plus haut, on ne peut certes pas parler de révolution (pouvait-on se le permettre avec une équipe triple championne de Tunisie, d'Afrique du Nord et arabe ?), mais force est de constater que l'on peut certainement parler de renforts opportuns (secteur défensif), sans plus. Le fait de garder l'ossature de l'équipe par ailleurs est en lui-même un acquis, quoique la situation contractuelle d'Eneramo demeure toujours problématique. Mais la question qui tue : pouvait-on mieux faire mieux ?
Comme dirait le proverbe «la critique est aisée, mais l'art est difficile». Il n'est pas question de s'avancer avec des affirmations peu élégantes à l'égard de ceux qui ont concocté ce mercato, et à leur tête le Président du club M. Meddeb, surtout que plusieurs paramètres échappent à toute analyse qui se veut objectiviste, telles la situation financière du club (encore qu'avec presque seize mille abonnés, jamais l'Espérance n'a pu bénéficier d'autant de rentrées d'argent si tôt dans la saison), l'offre du marché (sur le plan local, peu de valeurs sures sont accessibles et il n'y a qu'à jeter un coup d'œil sur la sélection nationale), voire la nature des négociations, mais des observations sont à noter et des questions à soulever :
- L'effectif actuel présente deux arrières latéraux droits étrangers. L'arrivée tardive d'Afful explique sûrement le fait que Bokungu, certes détenteur d'une licence Espoir, va rester, alors que Ben Brahim est plus indiqué pour continuer son apprentissage avec la catégorie réservoir. Alors comment va-t-on gérer la compétitivité de l'un et de l'autre, surtout que le jeune tunisien vient tout juste de signer un contrat de cinq (5) ans avec le club ? Qui a dit que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ?
- Dans l'axe, si l'arrivée d'un Zaïri au prix fort n'était pas forcément une bonne affaire, celle d'un Bachtobji, libre de tout engagement au début du mercato, aurait certainement donné plus de profondeur à ce compartiment. Mieux, avec six joueurs dans ce compartiment et un Banana qui semble donner satisfaction, pourquoi n'a-t-on pas prêté un joueur comme Tlili qui a besoin lui aussi, tout comme Chammari, de gagner en temps de jeu et en maturité ?
- Le poste de pivot représentait depuis la saison dernière et le départ de Hammi, le talon d'Achilles de l'équipe, nonobstant la bonne volonté dans certains matchs de Loué et la reconversion de Zine Souissi par la suite. Là aussi, malgré la disponibilité au début du mercato de Boujelbène, libre de tout engagement avec son club d'Al Ahly (Égypte), et avec lequel l'Espérance était en pourparlers avancés il y a à peine une année pour une éventuelle arrivée, voire même de Ouertani (CA), libre lui aussi, l'équipe demeure assez frêle encore en matière de récupération, si par malheur Korbi se trouve absent. Boughanmi demeure un bon espoir, mais l'équipe a bien besoin de certitudes à ce niveau, pour ne pas parler de profondeur, et ce n'est pas l'intérêt pour Roger, avec la situation du contingent étranger, qui aurait été la plus réaliste en les circonstances. Quand on sait que la Juventus de Turin (Italie), par exemple, est allée chercher Melo, alors qu'elle avait déjà C. Zanetti (libéré plus tard), Poulsen et Tiago, sans parler de Sissokho et Marchisio par ailleurs, il y a lieu de s'interroger sur la validité de ces choix. Était-ce délibéré ou une appréciation légère de la situation dès le départ ?
- En attaque, l'équipe manque terriblement de profondeur pour un club qui est appelé à jouer les premiers rôles sur le plan local et continental. Si le trio Eneramo, Bienvenu et Ayari présente des garanties certaines, il n'en demeure pas moins qu'un autre attaquant tunisien, aurait dû venir, comme Akrout ou même Selliti (ST), libre lui aussi au début du mercato, voire rester, à savoir Khalifa. D'ailleurs, l'arrivée de ce dernier et son départ lors du même mercato ne devrait-elle pas faire réfléchir plus d'un sur la qualité et le timing des gestes posés à ce propos ?
Ceci étant dit, nous ne pouvons qu'espérer la meilleure des chances à ce groupe, car malgré les lacunes décelées (quelle équipe n'en a pas ?), cette équipe a certainement les moyens de ses ambitions, encore faut-il se supasser à tous les instants. Mieux, c'est à Benzarti d'en optimiser l'utilisation et il ne le sait que fort bien, car les choses - et les critiques - sérieuses vont bientôt commencer, étant donné que la préparation tardive et le mercato font déjà partie du passé.