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Trois jours après le derby et je n'en reviens pas encore! Comment peut-on aborder le derby avec une telle suffisance, voire même désinvolture de la part de nos joueurs? 25000 supporters Sang et Or, dont 12000 abonnés - certains en rêvent et d'autres l'ont fait ... disait la banderole -, sur les gradins, une dizaine de milliers d'autres minimum qui ont dû se résigner à rester à la maison frustrés, faute de billets disponibles dédiés au « peuple le plus fidèle » (1), j'ai nommé les amis «Namarid » (2), restés à la maison comme d'habitude, et des millions d'autres tifosi dans les quatre coins du monde, scotchés devant leur télé, faisant le sacrifice de subir les commentaires «lourdesques» de Laâbidi – il avait le culot d'admirer, lors du ralenti SVP, la « grande » intervention de Iffa sur Bienvenu, qui devait filer droit au but -, voire figés devant leur écran d'ordinateur, se tapant entre autres sur TarajjiMania le direct en commentaires d'un certain Oûbbitha, qui suit les matchs, dit-on, sur Google Earth, remettant des engagements importants à plus tard, privant leurs enfants de leurs activités préférées, risquant de subir les foudres de leurs partenaires jaloux d'une aussi grande attention pour leur équipe de coeur, ayant oublié de manger, n'ayant pas dormi la veille, bravant le décalage horaire, qui vibrent, qui chantent, qui crient, qui sont hystériques, attendant avec impatience une victoire au derby qui se fait tant attendre, surtout que la dernière qui a fait «dix millions» (3) de «martyres» (4) était ... à huis-clos, et à quoi avons-nous assisté à la fin ?
À une pièce de théâtre!
Oui, mais je ne fais pas référence au jeu des acteurs, telles les roulades appuyées de Dhaouadi, dans le rôle d'une momie en débandade tiré du dessin animé Scooby-Doo. Je ne parle pas non plus de la simulation grotesque de Nefzi, dans son rôle de prédilection de marcheur sur le feu – ce n'est pas pour rien qu'il rate ses sorties des pieds -. Je ne vise pas non plus la nouvelle technique de saut en hauteur inventée par Messaâdi, dans le rôle de Fosbury touché par la maladie de Parkinson. Loin de moi l'idée non plus de songer à l'humour noir de Bouchaâla, dont le personnage sort directement de «l'art de la chute» de Foissy. Et ce ne sont surtout pas les gesticulations de Ben Yahia qui me viennent à l'esprit, quand il a joué le rôle de Van Damme, qu'il imite aussi bien dans les arts martiaux – Kasraoui et Bekri ont bien goûté à sa sauce – que sur un plateau de télé – l'arbitre pouvait sûrement se passer de ses palabres -. En tout cas, M. Oueslati, le secrétaire général du Club Africain (CA), doit être fier de ses acteurs, car sa mise en scène émouvante aux micros de Dimanche Sport n'a laissé personne indifférent. Bref, du grand art!
Mais, voyez-vous, les supporters Sang et Or sont des puristes ; ils s'intéressent également à l'arrière-scène, à ceux qui travaillent dans l'ombre, ceux qu'on ne voit pas, ceux qui, sans eux, il n'y a pas de spectacle. Alors il y a le machiniste, celui qui ne lâche pas son poste, j'ai nommé Kasraoui, qui a subi les mauvaises conséquences de tous les errements de ses collaborateurs. Il y a le cascadeur, j'ai nommé Bokungu – à qui je souhaite prompt rétablissement en passant – qui a dû succomber, après quelques exercices de haute voltige en face de Dhaouadi, suite au KO technique que lui a adressé le kick-boxeur de fortune Ouertani – et dire que Ganzoui et ses acolytes n'ont même pas daigné montrer l'agression caractérisée du capitaine clubiste -. Il y a l'habilleur, j'ai nommé Bekri, parachuté en dernière minute et donc il ne fallait pas s'attendre à du Yves Saint-Laurent de sa part, mais par rapport à Ben Mansour, ça reste quand même de la haute couture. Il y a l'éclairagiste, j'ai nommé Jabeur, qui, quand les clubistes ne trouvent pas le chemin des buts, il n'hésite pas à le leur montrer. Il y a l'accessoiriste, j'ai nommé Badra, qui a certes regardé à tous les détails, tout en oubliant l'essentiel – déformation professionnelle? –, soit diriger sa défense. Il y a le placeur, j'ai nommé Hammi, qui a passé son temps à accompagner les joueurs clubistes jusque dans la surface de réparation. Il y a le guichetier, j'ai nommé Souissi, qui n'a pas démérité, mais qui a trop laissé des resquilleurs clubistes – toute ressemblance avec la réalité par ailleurs n'est que fortuite - passer sans intervenir. Il y a le maquilleur, j'ai nommé Darragi, qui, outre son implication dans les deux buts, on ne sait pas s'il a vraiment joué le derby. Il y a le chorégraphe, j'ai nommé Tayeb, qui a excellé dans l'art de ralentir la manoeuvre. Il y a le scénographe, j'ai nommé Bienvenu, artiste dans l'âme, mais qui a fini par faire partie du décor. Il y a le technicien, l'homme à tout faire, j'ai nommé Eneramo, que tout le monde sollicite sans même l'aider dans sa cause.
Mais la palme d'or revient au marionnettiste, j'ai nommé Cabral, qui nous a offert un spectacle grandiose, avec des marionnettes sans âme, sans envie, sans volonté, sans idées, claires, voire même embrouillées, qui a perdu la maîtrise de ses objets, à tel point, que même pendant l'entracte, il aurait tenté de leur «parler», dit-on, c'est à se demander si elles pouvaient vraiment le comprendre pour appliquer ses consignes! Mais la question qui tue : en avait-il vraiment ?
Avant de finir, j'ai presque oublié de vous dévoiler le titre de la pièce : «Deux partout». Tirée d'un livre de science fiction, on n'a même pas pris le temps d'y changer une virgule, sauf peut-être l'arbitre qui a bien osé le faire, en vain. Car tout simplement, l'Espérance ne voulait pas, ne devait pas et ne méritait surtout pas de gagner ce derby, peut-être bien pour faire payer les supporters pour leur dévouement et crédulité.
(1) : Une risée montée de toute pièce par des journaleux en manque d'inspiration
(2) : Pluriel de Namroud, ce fameux concept d'abonnement au prix d'un billet auquel nos amis clubistes d'identifient si bien.
(3) : Et moi qui me demandais à quoi servent des émissions du genre « Are you smarter than a 5th grader? »
(4) : Le 9 Avril 2008 est également la date de la fête nationale des Martyres