Portrait du latéral droit Mohamed Salah Mzali. (Photo MAB)

Entretien

Au fond des choses avec Salah Mzali

Bien qu'il soit dans l'ombre depuis quelques mois, Salah Mzali est un joueur qui ne pouvait nous laisser indifférents à son égard. Arrivé avec le statut de joueur confirmé, voire d'une vedette dans son ancienne équipe, l'ex Monastirien tarde à mettre en valeur son talent footballistique indéniable au sein du club phare du pays. E-S-Tunis.com a voulu l'approcher pour un entretien, surtout que ses internautes s'intriguent de plus en plus sur son cas et cela a été exprimé via notre forum de discussion TarajjiMania.

C'est une personne modeste et aimable que nous avons découverte, répondant à toutes les questions sans aucune gêne ou complexe. La discussion était passionnante et se passa pratiquement à bâtons rompus. Nous vous laissons découvrir et l'homme et le footballeur par vous-même. Bonne lecture.


Bienvenue Salah sur E-S-Tunis.com. Nous voulons à travers cet entretien éclairer la lanterne de nos internautes sur plusieurs points et nous espérons que vous êtes prêt à répondre le plus spontanément possible. Alors pour commencer, pouvez-vous nous parler de vos débuts dans votre club formateur l'Unions Sportive de Monastir (USMo) ainsi que de votre poste de prédilection depuis les jeunes catégories ?

D'abord, je vous remercie pour l'invitation. Je suis originaire de la ville de Monastir et j'ai intégré les rangs de l'USMo depuis mon jeune âge, où j'ai évolué dans toutes les catégories. Mon poste de prédilection est arrière latéral droit. Cela étant dit, j'ai été souvent aligné dans l'axe de la défense, surtout lorsqu'on joue le 3-5-2 où j'occupe la partie droite de la charnière défensive. Cette alternance entre ces deux postes s'est même poursuivie dans la catégorie Seniors.

Avez-vous été marqué par un entraîneur en particulier, que ce soit lors de votre formation ou de votre passage à l'effectif professionnel de votre club d'origine ?

Je peux vous assurer que j'ai tout le temps appris de quoi avec les entraîneurs qui m'ont dirigé. Je n'hésitais jamais à suivre dans les moindres détails toutes les instructions, émanant même des coachs qui ne m'alignaient pas. D'ailleurs, il faut savoir que je suis passé par plusieurs situations délicates depuis mon jeune âge, ce qui a un peu forgé ma personnalité.

Puis-je comprendre que vous avez été extrêmement patient avant d'arriver au statut de capitaine voire de leader de l'USMo ?

Exactement. C'est M. Lotfi Benzarti, entraîneur à l'époque de l'USMo, qui m'a intégré avec l'effectif professionnel. J'avais à peine 18 ans et M. Lotfi voulait que je m'habitue au rythme des Seniors, car il n'est jamais facile de s'intégrer directement, surtout lorsqu'on arrive des catégories jeunes. Il m'a permis de m'entraîner avec les Seniors tout en disputant, chaque week-end, les matchs de championnat Espoirs. Il m'a finalement offert ma chance lors d'un match joué à l'extérieur contre le Club Sportif Sfaxien (CSS) et fort heureusement, j'ai bien rempli mon rôle ce jour-là, bien que le CSS de l'époque incluait des vedettes à l'instar de Tarek Taïeb et Imed Mhadhbi. D'ailleurs, on tenait le nul jusqu'à deux minutes de la fin du temps réglementaire, lorsque je suis sorti à cause d'une crampe persistante. Et juste après, le CSS nous a planté deux buts... issus justement de mon côté.

Après ce match, M. Lotfi a vu qu'il pouvait compter sur moi et il m'a injecté dans d'autres rencontres par après, avant de ne devenir titulaire vers la fin de la saison. Les saisons d'après, que ce soit avec M. Rhim, M. Faouzi Benzarti ou le duo Yaâcoubi-Jouili, j'ai toujours eu des difficultés pour arracher ma place de titulaire.

Et si nous passons à votre recrutement par l'Espérance. Quand est-ce que les contacts entre les deux parties ont-elle commencé ?

Les premiers contacts ont eu lieu le jour de l'élimination de l'USMo face à l'Espérance à El Menzah en Coupe de Tunisie 2007 et c'est M. Zouhir qui a été l'instigateur. Les contacts ont été maintenus jusqu'au mercato estival 2007, mais malheureusement, ils n'ont pas abouti. Non pas que nous étions en désaccord, mais c'est surtout à cause du fait que mon club, qui venait de perdre tous les piliers de l'équipe à l'instar des Nevez, Adriano, Salem et d'autres, n'a tout simplement pas accepté ma libération. Et comme l'USMo est le club de ma ville qui m'a formé, je ne pouvais qu'acquiescer volontiers à la volonté des responsables de me garder. Pourtant, je vous assure que rejoindre l'Espérance était un véritable rêve pour moi. D'ailleurs, j'ai toujours été un supporter inconditionnel du Sang et Or depuis mon jeune âge.

Nous le suspections quelque part, du moment que vous avez été repéré une fois parmi les supporters de l'Espérance à Sousse, lors d'un match nous opposant à l'Étoile Sportive du Sahel (ESS). Était-ce votre première ?

Pas du tout! Plus jeune, j'ai même fait des déplacements à El Menzah pour suivre l'Espérance. Et pour ne rien vous cacher, c'est la période où M. Faouzi Benzarti était coach que j'ai commencé à suivre le club Sang et Or. Je n'oublierai jamais cette génération de joueurs ainsi que la qualité du jeu présenté, le tout couronné évidemment par une Coupe d'Afrique des Clubs Champions. Durant cette période, la majorité des Monastiriens suivaient le doyen des clubs. D'ailleurs même actuellement, il y a plusieurs supporters espérantistes dans ma ville.

Revenons donc à votre recrutement, si vous permettez. Le fait que vous soyez un fervent supporter de l'Espérance avait-il facilité votre passage au club de Bab Souika ?

Tout à fait. Au mercato hivernal, j'étais contacté par la direction du club. Il y avait aussi trois autres offres émanant de l'ESS, d'un club grec et d'un autre allemand. Je ne vous cache pas que j'étais très tenté par celles des deux clubs européens, surtout qu'elles me convenaient aussi bien financièrement que sportivement. Mais en fin de compte, j'ai choisi l'Espérance principalement pour deux simples raisons : l'USMo était satisfaite par l'offre financière des Sang et Or, ce qui est très important pour moi, surtout que je voulais faire profiter mon club d'origine au maximum, et en plus, pour ce que l'Espérance représente pour moi. C'est à mes yeux le plus grand de la Tunisie et je peux vous assurer que même les joueurs des autres grands clubs rêvent d'y évoluer.

Après votre arrivée, vous avez effectué la préparation d'intersaison avec tout le groupe à Dubaï et vous avez participé aux matchs amicaux. Comment s'est passée votre intégration au sein de l'équipe à ce moment-là ?

Le stage que nous avons effectué à Dubaï m'a aidé à m'intégrer doucement mais sûrement dans le groupe, avec l'aide, il faut l'avouer, de mes coéquipiers. Par la suite, la Ligue 1 a repris son cours et M. Zouaoui m'a titularisé pour la première fois face à l'Espérance Sportive de Zarzis (ESZ). Je considère mon baptême de feu réussi, surtout tactiquement, ayant appliqué à la lettre ce que demandait le coach. Heureusement que nous avions empoché nos trois points ce jour-là, face à un club qui était bien en place et qui nous avait posé beaucoup de problèmes.

Devrions-nous comprendre que M. Zouaoui était satisfait de votre rendement, aussi bien en phase défensive qu'offensive ?

Tout à fait. Il me disait toujours qu'un arrière latéral doit avant tout assurer derrière. Et en parlant de la participation d'un arrière latéral aux phases offensives, je peux vous assurer que ce n'est pas du tout facile à gérer. Tu peux toujours avancer sur ton côté pour épauler l'attaque, c'est facile à faire, mais qui te garantit que l'adversaire ne va pas contrer sur ton côté ? Pour assurer une certaine efficacité, un système complexe est à mettre en place.

Pourtant avec l'USMo, nous avons bien vu un Salah Mzali offensif et qui épaule beaucoup l'attaque à partir de son côté. Qu'est ce qui a changé depuis ?

Justement avec l'USMo, on a mis en place ce « système complexe » que je viens de citer. Tout d'abord, tout le système de la relance tournait autour de moi et le coach me donnait une carte blanche pour participer à la phase offensive. Les défenseurs axiaux, le pivot et même les ailiers me couvraient à merveille, ce qui fait que même lorsque je me faisais contrer, j'étais lucide et confiant. Un autre fait important qui caractérisait notre jeu, c'est la synchronisation et la cohérence entre mes appels et les passes précises, presque aveugles, des milieux de terrain, dont l'excellent Salem. J'avais confiance en mes coéquipiers de l'entrejeu qui étaient habiles balle au pied, ce qui fait que pendant que je faisais l'appel sur une distance de 20-25 mètres, j'étais presque sûr de l'évolution «positive» de l'action, soit en recevant la balle là où il faut, soit en ne perdant surtout pas le ballon.

Je persiste à croire que faire 20-25 mètres de course nécessite une énergie qui ne doit pas être gaspillée, surtout si le ballon est perdu au milieu et si je ne suis pas bien couvert par mes coéquipiers. Car dans ce cas-là, je serais obligé de refaire la même distance en sprint dans le sens inverse, tout en risquant d'arriver en retard, en plus.

Et si nous continuons avec les matchs que vous avez disputés avec M. Zouaoui. Face à Jendouba Sport (JS), vous avez contracté une vilaine blessure qui vous a éloigné des terrains. Était-ce dû au rythme soutenu de la préparation ?

Lorsque je suis arrivé de l'USMo, j'étais un peu fatigué physiquement, voire même psychologiquement, car ma carrière allait prendre une tournure importante à cette période-là. Et si on rajoute à cela le fait qu'avec mon ancien club, nous n'avons pas fait une préparation adéquate, mon corps n'a pas résisté et Dieu a voulu que j'aie cette blessure à ce moment-là et non un autre. Malheureusement, elle est survenue à peine j'ai commencé mon aventure avec l'Espérance, qui était engagée comme d'habitude dans la course au titre et donc ayant besoin de joueurs prêts et compétitifs pour retrouver rapidement son rang. Du coup, elle ne pouvait pas se permettre de patienter pour un joueur en rétablissement.

Dans certains matchs amicaux que vous avez disputés lors de cette trêve de Ramadhan, voire même avant la journée d'inauguration de Ligue 1, nous avons vu un Salah Mzali démotivé, timide et réservé. Pourtant, tout le monde s'attendait au comportement opposé qui lui permettra d'arracher sa place parmi le onze rentrant. Qu'en est-il au juste ?

D'abord, n'importe quel joueur cherche à être titularisé. Psychologiquement, c'est toujours difficile de vivre loin des terrains. La blessure contractée m'a beaucoup éloigné du rythme de la compétition et c'était éprouvant mentalement. Ensuite, il n'est pas évident pour un joueur rétabli de reprendre le rythme des matchs, même s'ils sont de nature amicale. Le manque de compétition touche aussi bien le moral du joueur que son physique, ce qui rend la reprise toujours difficile. Et quand bien même le joueur peut se sentir en forme, il ne va pas s'empêcher de calculer en les circonstances, en levant le pied lors des contacts agressifs et en économisant ses efforts, ne serait-ce que pour éviter un étirement ou déchirure musculaire probable à ce stade de la reprise.

Et que fait actuellement Mzali pour regagner sa place de titulaire ?

Tout d'abord, je tiens à préciser que Janvier Besala est un ami et que nous travaillons tous les deux d'arrache-pied pour l'intérêt suprême de l'équipe. Maintenant sur un plan plus personnel, j'assume tout seul ma situation actuelle, tout en respectant le choix du staff technique. Croyez-moi que je n'arrête pas de me poser la bonne question encore et encore, à savoir comment faire pour donner le plus à l'EST. À l'entraînement, je ne lésine jamais sur les efforts, j'essaye toujours de me surpasser et d'appliquer les instructions, sans virer de la ligne disciplinaire qu'on ma tracée. J'espère de tout mon coeur regagner la confiance du staff technique et retrouver le goût de la compétition.

En matière de travail spécifique, y a-t-il des exercices que vous réalisez à part pour remédier à vos points faibles ?

Pour être franc avec vous, je me contente d'appliquer à fond ce qu'on me demande de faire aux séances d'entraînement et c'est tout. Si le staff technique me demande un jour de m'entraîner sur tel ou tel autre exercice en solo, je le ferai sans aucun problème.

Maintenant pour parler de l'équipe en général, que pensez-vous de l'Espérance version 2008/2009 ?

La construction d'une Espérance compétitive a commencé la saison dernière, avec l'arrivée d'une pléiade de jeunes joueurs disposant de qualités énormes et des recrutements de valeur effectués aux mercati estival et hivernal derniers. Tout le groupe doit se sentir responsable pour que le club retrouve son rang. Nous avons des objectifs importants à atteindre et ça ne pourrait se concrétiser que par le travail et les sacrifices. Pour le moment, nous avons effectué un bon démarrage et nous sommes en train de pratiquer un beau football, avec un fond de jeu qui s'améliorera d'une journée à une autre. J'espère qu'on empochera notre lot de titres à la fin de la saison, tout comme ça s'est passé depuis la création de notre club légendaire.

Mais si on se fie aux statiques, sur les quatre matchs joués, nous avons marqué 10 buts contre 5 concédés. Si l'attaque fonctionne à merveille, ne voyez-vous pas qu'on traîne toujours nos lacunes défensives des saisons dernières ?

Si nous avons concédé 5 buts en si peu de rencontres, ce n'est sûrement pas à cause de la qualité intrinsèque de nos défenseurs. C'est tout le système défensif qui est concerné, à commencer par l'attaquant de pointe. C'est pareil pour le système offensif, auquel contribuent les onze joueurs et on a vu que nos défenseurs ont bien participé aux dix buts marqués. En football moderne, tout le monde est concerné par les deux phases du jeu, à savoir l'attaque et la défense. Imaginez que l'attaquant compte uniquement sur le défenseur pour récupérer la balle et que le défenseur compte uniquement sur l'attaquant pour qu'il relance et marque, ça serait un football trop statique et je vous assure que les onze qui raisonnent ainsi ne formeront jamais une équipe gagnante.

Il y a également un autre point explicatif quant au manque de solidité défensive de l'équipe. En effet, l'axe de la défense a connu plusieurs paires différentes et cela nuit à la stabilité défensive. On devrait patienter pour avoir un duo axial cohérent et de qualité, car l'entente entre les deux joueurs de l'axe est parfois difficile à réaliser. Ceci dit, je trouve que notre défense s'est considérablement améliorée par rapport aux saisons dernières et la présence de Badra y est sûrement pour quelque chose. C'est un joueur très expérimenté, dont l'apport est indéniable pour tout le groupe.

L'utilisation de deux arrières latéraux à vocation offensive pourrait-elle expliquer également cette déconvenue défensive ?

Justement. Il y a un grand travail de couverture à assurer, sinon les balles dans le dos des arrières latéraux vont toujours nous causer des problèmes.

Venons-en au chapitre de l'Équipe Nationale (EN). Vous avez rejoint la sélection suite à une convocation du coach national de l'époque, M. Lemerre. Comment évaluez-vous cette expérience et comptez-vous la rééditer un jour ?

J'ai participé à un match de préparation avec l'EN face à la sélection namibienne. Ce fut une expérience très riche que je juge positive et réussie, d'où la satisfaction exprimée à mon égard par le duo Lemerre-Maâloul.

Maintenant revenir à la sélection, c'est l'objectif de tout joueur tunisien et ça permet en plus d'ouvrir les portes pour une expérience européenne. Mais avant tout, ça doit passer par ma titularisation à l'Espérance, ce qui est pour le moment mon objectif primordial.

Merci Salah pour cet entretien fort passionnant. Je vous laisse le mot de la fin à adresser aux lecteurs d'E-S-Tunis.com...

Je suis en train de travailler bien dur dans l'espoir de trouver une place parmi les titulaires, car je ne suis pas venu pour rester sur le banc des remplaçants. J'étais un joueur confirmé à l'USMo et je compte retrouver ce statut au sein même de l'Espérance. Il se peut que je fusse démotivé lors de certains matchs, mais je vous assure que c'est essentiellement dû à ma blessure et à mon manque de compétitivité. Je promets à tous les supporters Sang et Or de revenir avec un niveau meilleur dans les plus brefs délais.