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Infosfoot ou plutôt «un faux foot»?


Le Onze Sang et Or aligné contre le CS Sfaxien à Radès, le 12 septembre 2009. (Photo CHALA)
Le Onze Sang et Or aligné contre le CS Sfaxien à Radès, le 12 septembre 2009. (Photo CHALA)

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Suite à la victoire espérantiste en terre gafsienne dans le sommet des seizièmes de finale de la Coupe de Tunisie, l'e-magazine Infosfoot a choisi de couvrir l'événement via un article qu'il a intitulé "l'EST passe, Souiden triste héros du match". Tel article n'aurait jamais suscité le moindre intérêt, n'était-ce sa partialité flagrante qui témoigne d'une mauvaise foi sans bornes. Dans la mise-en-abîme qui suit, nous allons revenir avec une petite touche freudienne sur le discours de l'e-média, dont les articles sont truffés de désirs refoulés qui enlacent, dansent et embrassent même le ridicule.

 

Lorsqu'il s'agit d'un sommet, en coupe ou en championnat, le désir le plus ardent serait de voir l'équipe qu'on craint le plus perdre, peu importe comment. Soit ! L'Espérance Sportive de Tunis (EST) ayant gagné son match comme elle sait toujours bien le faire, les « déçus » se sont du coup rappelés leur chanson fétiche ... l'arbitre ! Le titre de l'article d'Infosfoot s'est donc inscrit en faux avec le foot, comme l'auteur avec le journalisme, minimisant la qualification et le mérite des Sang et Or, tout en faisant du match un one-man-show d'Elyes Souiden. On y omet, au passage, le fait que le dit arbitre ait carrément gâté les joueurs d'El Gaouafel Sportives de Gafsa (EGSG), en tolérant leur jeu dur, dépassant parfois la limite de la correction. Il s'agit pourtant d'un remake de l'agressivité qui a marqué le match de championnat quelques semaines auparavant (3-0 en faveur de l'EST). Et pour preuve, l'état de santé d'Harrison Afful à la fin du match, qui « souffre d'un traumatisme au genou », rapporte le site officiel de l'Espérance, et qui « sera soumis ... à une exploration radiologique » pour déterminer la gravité de la blessure qu'il a subie.

 

Pour revenir au fameux but justement annulé, photo à l'appui, l'attaquant gafsien s'est clairement appuyé avec le coude sur le défenseur Sang et Or Ben Youssef, pour pouvoir monter plus haut, aidé en plus par un élan coupable avec le genou, sûrement «sympathique et élégant» aux yeux de la rédaction d'Infosfoot, permettant de marquer un but « tout à fait régulier », comme le précise l'article susmentionné. Et pour ajouter l'insulte à l'injure, l'auteur continue à insister dans un semblant d'innocence sans égal que « leur » but régulier fut annulé « pour on ne sait quelle raison ». Raison, dit-il, faut-il encore en avoir !

 

Ceci dit, et pour aller au bout de l'argumentation d'Infosfoot, supposons que le but fut irrégulier. Pourquoi cette démarche aussi insidieuse alors que dans d'autres circonstances, plus folkloriques devrions-nous préciser, d'autres équipes ont bénéficié d'erreurs, voire largesses, et le silence a été le maître mot ? Prétendons aussi qu'il ne s'agit que d'erreurs arbitrales d'appréciation, survenues de bonne foi, mais qui étaient de l'avis de tous les observateurs clairement flagrantes ; pourquoi Infosfoot ne les a même pas signalées ?

 

Prenons l'exemple du Club Africain (CA) et ses deux matchs contre la Jeunesse Sportive Kairouanaise (JSK) à Tunis et contre l'Union Sportive Monastirienne (USMo) à Monastir. Dans le premier match, l'arbitre a accordé un but au CA dans les ultimes minutes de l'opposition, sur une balle qui n'a clairement pas dépassé la ligne fatidique. Infosfoot fit son boulot le plus « objectivement » du monde et nous offrit un commentaire, ou plus précisément un non-commentaire, sur le but inexistant, synonyme de trois points inespérés et généreusement offerts, comme suit : « Il aura donc fallu attendre 87 bonnes minutes et la tête rageuse de Hamza Messaâdi, entré en jeu peu avant, pour voir le club de Bab Jedid renouer avec le scénario de la saison précédente, où il s'imposait souvent à l'arrachée dans les derniers instants, sous la férule de l'Algérien Abdelhak Ben Chikha ». Infosfoot avait donc mis en exergue « la tête rageuse » de Messaâdi et les résidus de Ben Chikha. Quant à la prestation de l'arbitre et l'irrégularité du but, silence on tourne ! Une omerta qui cadre bien avec l'appel aux médias de s'occuper de l'Espérance, comme l'a si bien rappelé un dirigeant clubiste ... de la dernière heure !

 

Encore plus grave, et c'est ce qui a d'ailleurs éveillé nos soupçons quant à la mauvaise foi de l'e-magazine, l'autre non-commentaire qui surgit suite au penalty imaginaire dont a bénéficié le CA à Monastir et qui a donné libre cours à de nouvelles théories physiques et équations géométriques dignes d'un Prix Nobel du ridicule, bien que nous évitant une nouvelle photo choppée (à ne pas confondre avec «photoshopée» qui n'existe pas dans la langue de Molière) lors de l'émission phare de TV7, Dimanche Sport, admirez : « Le Club Africain est désormais abonné aux arrêts de jeu qu'il attend malicieusement pour frapper. [...] Après que l'arbitre Yassine Harrouch eut indiqué que l'on jouera quatre minutes d'arrêt de jeu, Mohamed Traoré, joker de luxe, longtemps contesté par la galerie clubiste, obtient un penalty pour un fauchage à la limite de la surface de réparation ». Quelles frappes malicieuses ! On dirait même chirurgicales comme fut le sifflet du triste Harrouch, mais Infosfoot n'y a vu que du feu !

 

Un ratissage du site Infosfoot nous offrirait sûrement d'autres exemples, mais limitons-nous à ces deux références pour ne pas entraver la marche des uns et des autres et revenir aux insinuations relatives à l'article sur notre club !

 

Il n'est plus difficile de deviner qu'Infosfoot envenime l'ambiance, surtout lorsque cela a trait à l'Espérance. Leur article - nous utiliserons et abuserons du même langage qui est utilisé par Infosfoot - donne une image caricaturale du journalisme et ce n'est pas nouveau de leur part. Voila une des raisons qui fait que notre journalisme, à l'Infosfoot, ne décollera jamais ! Le postmodernisme s'est désormais emparé du monde du (faux) football tunisien par le biais de l'oubli délibéré, ou du « deliberate forgetfulness », dixit Linda Hutcheon. D'aucuns pourraient positiver à ce propos, trouvant ce silence plus élégant que les explications de Zine El Abidine Oueslati, le fameux porte-parole du CA, qui, lui, fera mieux de se résoudre à une autre forme de silence prémédité, mais nous ne saurons trancher.

 

Un sentiment empathique tout de même pour clôturer : dommage pour Infosfoot et les nombreux journalistes qui leur emboitent le pas (ils se reconnaîtront), puisque contrairement à Benzarti et sa troupe, ils ne peuvent pas encore respirer avec une Espérance qui continue à collectionner les victoires, les qualifications et les consécrations. Ça leur fait mal, très mal même, et leur "ouf !" de soulagement n'est sûrement pas pour bientôt ! Ils ne seront jamais au bout de leur désespérance, tant qu'il y aura de ... l'Espérance !